Adultes-relais  : un dispositif utile, mais perfectible

25 ans après : les adultes-relais à la croisée des chemins entre médiation sociale et mobilité professionnelle

Depuis leur création en 1999, les adultes-relais incarnent un double engagement : celui d’une médiation sociale de proximité dans les quartiers prioritaires et celui d’un levier d’insertion professionnelle pour des publics éloignés de l’emploi. Le récent rapport des inspections générales (IGAS-IGA-IGEDD, décembre 2024) dresse un panorama éclairant sur ce dispositif, aujourd’hui arrivé à un tournant. Ce constat résonne fortement avec la réalité de terrain que je partage en tant qu’accompagnatrice d’un groupe de 15 adultes-relais engagés dans un parcours de mobilité professionnelle.

Une réalité de terrain entre engagement et incertitude

Les adultes-relais que j’accompagne ont tous un fort engagement envers leur métier et l’exercice de celui-ci dans les quartiers qui leur sont assignés. Mais la majorité se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins : que faire une fois le contrat terminé ? Comment valoriser les compétences acquises ? Quelle reconnaissance réelle pour des années de médiation dans des contextes souvent exigeants ? Pour ceux qui souhaitent se reconvertir, de quels dispositifs de financement peuvent-ils bénéficier, ce qui pose la question de leur réel statut juridique.

Le rapport appelle à ne pas abandonner la vocation d’insertion du dispositif. Cela rejoint un besoin essentiel que je constate : ces adultes-relais souhaitent capitaliser sur leur expérience pour aller vers des métiers du social, de la médiation, de l’animation, voire de la fonction publique. Mais ils se heurtent à un manque de passerelles lisibles, à une confirmation officielle de leur statut juridique ce qui leur permettrait de bénéficier de certains dispositifs de financement en cas de besoin de départ nécessaire en formation, à des critères de qualification parfois inaccessibles, et à une absence de valorisation institutionnelle de leur rôle.

L’accompagnement à la mobilité : un tremplin à construire

Notre accompagnement vise à révéler les compétences transversales acquises dans le cadre du dispositif : écoute, gestion des conflits, animation, travail partenarial, posture professionnelle… Il s’agit aussi, essentiellement, de lever les freins psychologiques (« je ne suis pas légitime », « je n’ai pas le diplôme » « il est trop tard pour retourner à l’école ») et structurels (manque d’information, de réseau, d’accès à la formation).

Le rapport formule plusieurs recommandations allant dans ce sens : faciliter l’accès à la validation des acquis de l’expérience (VAE), encourager les parcours certifiants, renforcer l’accompagnement via France Travail, informer sur les dispositifs de financement de formations existants. Encore faut-il que ces mesures deviennent effectives, accessibles, et coordonnées localement.

Accompagner la sortie du dispositif : un enjeu stratégique

C’est dans cette perspective que s’inscrit le programme de mobilité professionnelle des adultes-relais, mis en œuvre localement avec l’appui de l’AGEFMA. Ce programme, que j’ai l’honneur de coordonner pour un groupe de 15 adultes-relais, vise à structurer une sortie positive du dispositif. L’objectif est clair : sécuriser un parcours, révéler les compétences, projeter vers un avenir professionnel viable.

La méthodologie adoptée repose sur des temps collectifs (ateliers collectifs, bilans partagés) et un accompagnement individualisé qui inclut :

  • Un bilan professionnel permettant d’identifier les compétences acquises via les missions de médiation.
  • Une co-construction du projet professionnel tenant compte des aspirations et des opportunités locales.
  • Un plan d’action réaliste intégrant l’accès à la formation, la VAE, l’orientation vers les métiers du social, de l’animation ou de la médiation professionnelle, la reconversion professionnelle ou la création d’entreprise.

Conclusion : Du lien social à une reconnaissance professionnelle, pleine et entière ?

Le dispositif adultes-relais a tenu ses promesses en matière de cohésion sociale.

L’enjeu des prochaines années est de tenir la seconde promesse : celle d’un vrai parcours d’insertion professionnelle.

En Martinique, ce rôle est bien ancré : 109 postes sont financés à 100 %, avec une dynamique positive de professionnalisation et d’ancrage territorial. Ces acteurs sont sollicités pour des missions essentielles – médiation sociale, accompagnement à la parentalité, accès aux droits, animation de quartier – et leur impact est incontesté.

En Martinique, comme ailleurs, cela suppose une vision partagée, des moyens à la hauteur, la mobilisation d’un écosystème partenarial : référents emploi, structures d’insertion, organismes de formation, collectivités et une logique de parcours intégrée dès l’entrée dans le dispositif. Car, au fond, les adultes-relais ne sont pas seulement des « relais » pour les autres, ils doivent aussi pouvoir relayer leur propre avenir.

Mon expérience d’accompagnement de 15 adultes-relais témoigne d’un besoin :

  • De la confirmation officielle de leur statut administratif et des implications afférentes,
  • De leur valorisation au sein des structures qui les emploient,
  • D’une transition accompagnée par un soutien informatif et méthodologique,
  • Du passage du rôle à la profession, du contrat aidé à la carrière choisie.

Les adultes-relais ne demandent pas un statut d’exception mais une reconnaissance juste de leur utilité et de leur potentiel. Cela passe par un travail de fond sur la professionnalisation, mais aussi sur la vision que porte la société sur leur rôle. Le risque, si rien ne change, serait de créer un « plafond de verre » pour ces agents du lien qui, après avoir tant donné, peinent à construire une suite durable à leur engagement.

En conclusion, 25 ans après sa création, le dispositif adultes-relais montre sa pertinence mais appelle à une mue nécessaire car les perspectives d’évolution restent trop floues ou comme une « voie sans issue » professionnelle pour nombre d’entre eux.

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